Nous voilà entrés dans les terres, là où les touristes ne passent jamais, on peut en être certain rien qu’à voir la façon dont tous nous regardent, qu’ils soient adultes ou enfants. Ici on travaille la terre à l’ancienne : on laboure avec les ânes ou le cheval si on en a un, on sème à la main, on fauche à la main, on charge les ânes pour ramener le foin ou les denrées récoltées. La terre est belle, grasse et lourde, sans doute généreuse pour celui qui lui donne la sueur qu’il faut. Les troupeaux sont gardés, ici pas de clôture sauf parfois une haie de cactus, infranchissable. Ânes, moutons, chèvres et chevaux paissent ensemble sous l’oeil d’un ado qu’on préférerait savoir sur les bancs de l’école. Pas de route dans le bled, pas de trottoir, juste des sentiers que la pluie a transformés en une succession de mares. Notre arrivée est l’événement de la journée, les yeux s’écarquillent, les sourires apparaissent, les mains se lèvent en signe de bienvenue. Ici personne ne parle le français, personne ne parle l’anglais... et nous ne connaissons que quatre ou cinq mots d’arabe. Pourtant ça passe, la maisonnée vient embrasser Christelle et me serrer la main. Nous vélos chargés de sable et de boue entrent là où chacun se déchausse pour entrer, notre chambre est prête, mais il n’y a pas de lit. Nous savons par notre contact que l’eau a été mise à chauffer rien que pour nous et que ce soir nous partagerons le repas familial. Pourvu que nous soyons à la hauteur et qu’aucun geste maladroit ne trouble nos hôtes !

« Viens à la douche » un jeune fille est entrée et à scandé une phrase apprise par cœur vers Christelle et la voilà partie vers je ne sais quelle partie de la maison. En fait de douche, il s’agit d’un pièce au bout du jardin, où un casserole d’eau a chauffé sur un bec de gaz.

L’invitation à prendre le thé ne manque pas d’arriver, nous retrouvons toute la famille sauf les tout petits et la dame qui nous sert. Les biscuits succulents sont là et l’ambiance chaleureuse compense les langues incompatibles. Soudain, des plats arrivent: une véritable tajine, des salades de légumes et d’autres de fruits. Grande nouveauté pour nous, chacun se sert dans le plat commun à l’aide de sa main droite, quelques fourchettes et cuillères circulent pour les morceaux compliqués. Nous sommes de la famille !!! Une connexion 4G apparaît et Google se charge tant bien que mal de traduire questions et réponses d’une langue vers l’autre, la conversation prend forme. Le repas très copieux est composé exclusivement de produits de la ferme de la maison, jusqu’à l’huile d’olive qui est pressée au village, à l’ancienne, entre deux meules de pierre mues par un âne. Saviez-vous que c’est le noyau de l’olive qui produit l’huile et que c’est la chère de l’olive qui en adoucit l’amertume? Nous pas !

Le repas terminé nous avons droit à la visite du village et au coucher de soleil. Nous passons au bord d’un bâtiment où règne une certaine agitation, des ânes sont stationnés et des bidons d’une dizaine de litres circulent. Il s’agit d’un centre de collecte du lait et les bidons proviennent de chaque famille qui trouve là un revenu régulier. Si l’AFSCA passait par là, les vérificateurs deviendraient fous !!!

Rentrés à la maison, Christelle a réussi à se glisser dans la cuisine et à se mettre à cuisiner avec la maitresse de maison, vous en verrez quelques images et une petite vidéo.

C’est la seconde famille marocaine avec laquelle nous avons de réels contacts et c’est à nouveau un émerveillement pour nous. Rouler à vélo dans des conditions parfois pénibles sur des routes qui n’en méritent pas toujours le nom, commence à prendre son sens profond : rencontrer les gens, partager avec eux la réalité de leur vie.