Un singe gardien du temple d’Angkor, nous a donné l’opportunité de démarrer une conversation avec un rescapé de l’épuration organisée au Cambodge par le Khmers Rouges. En 1975, âgé de 18 ans, il avait été alerté par son instituteur que l’armée allait débarquer pour éliminer les lettrés. Le livre qu’on lui a présenté comme test, il a fait mine de ne savoir qu’en faire, le tournant et retournant dans tous les sens comme un objet jamais rencontré. Ce stratagème lui a permis de fuir par la Thaïlande et d’être accueilli par la France où il a pu terminer ses études et faire carrière chez Michelin. Comme nous, il visitait les temples pour la première fois, cette rencontre avait quelque chose d’improbable et pourtant la conversation qui en est née nous semblait tellement naturelle... Franchement les exactions des Khmers Rouges n’étaient pas au programme de notre passage au Cambodge mais comment refuser au hasard la perche qu’il nous tendait ? Nous sommes donc allés, à pied sous une chaleur démentielle jusqu’au mémorial dédié à l’extermination organisée il y a 45 ans qui a duré plus de 4 ans et a coûté la vie à plus de 25% des Cambodgiens.

Vous n’aurez pas droit à tout ce qui nous a traversé dans ce lieu et durant les heures qui ont suivi mais vous vous doutez de la puissance des ressentis. Gorée nous avait retournés d’une manière comparable, mais la proximité temporelle et la volonté destructrice de ce massacre le rendent encore plus insupportable. Les plus jeunes qui nous lisent n’ont sans doute pas beaucoup d’informations sur le sujet, mais nombre d’entre-vous qui ont plus de 45 ans sont des contemporains de cette horreur, quels souvenirs en avez-vous gardé ?

Être plus des voyageurs que des touristes, c’est le temps dont nous disposons qui fait souvent la différence. Quand le temps n’est pas trop compté il permet des arrêts pour profiter entrer en contact et se questionner. Il permet des changements de programme et de destination. Bien que le coronavirus soit à nos trousses et nous pousse sans cesse vers le sud, nous allons ajouter Phnom Pen à notre parcours pour y lire les traces de ce passé proche, mieux le comprendre et saisir comment un peuple aussi mal mené a pu se reconstruire. Nous avions déjà côtoyé le peuple Lao qui habite le pays le plus bombardé de l’histoire de l’humanité et qui pourtant est d’une gentillesse à toute épreuve, qui nous ont tant appris en quelques jours sur la bienveillance. Les Cambodgiens vont sans doute continuer à nous faire grandir.