De la Gaume aux Ardennes sans passer par l'Ardenne, les mètres, les kilomètres défilent et le paysage se transforme peu à peu. La terre se colore, les vallées se creusent, les hameaux se raréfient, les portes et les fenêtres rétrécissent. Puis doucement arrive la Champagne agricole, les collines sont rabotées, les arbres disparaissent et la terre blanchi, et en blanchissant elle blanchit les gens, l'homme qui la travaille et ceux qui passent sur leur vélo. Nous sommes ceux-là, juste de passage mais qui emportons sur notre peau, sur nos sacoches, dans nos poches, un peu de cette terre qui semble capable de nourrir la terre entière tant ses champs s'étirent à perte de vue au-delà de la colline qui va nous faire souffrir, au-delà de ce que l’œil peut voir et peut-être plus loin que ce que l'esprit pense avoir compris. Nous sommes-là tout petits mais tellement forts et unis sous ce soleil de plomb qui nous soude comme deux pièces de métal chauffées à blanc et que l'horizon va engloutir pour l'éternité.